En politique, il est rare de voir un leader arriver à la cheville de Macky Sall. Ce n’est pas un hasard s’il est qualifié de génie politique. Un talent qui lui a permis de réduire une bonne partie de l’opposition à sa plus simple expression. Mais un nouveau phénomène du nom de Ousmane Sonko voit le jour. Le leader du Parti des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF) a ce don de se tirer de toutes les situations compliquées. Un art, même s’il n’est pas donné à tout le monde, est devenu un couteau à double tranchant pour lui.
Revoilà Ousmane Sonko. Quand il a été nommé premier ministre, beaucoup espérait le voir abandonner ses habits d’opposant. Malheureusement, l’ancien maire de Ziguinchor reste celui qu’il a toujours été. Il communique comme il l’a toujours fait. Une communication qui n’est pas sans conséquences. À chacune de ses sorties, il lâche une bombe qui alimente les débats pendant des jours. Après avoir menacé de ne pas faire sa déclaration de politique générale à l’Assemblée, il est sous le feu critique des sénégalais.
Pour faire taire les débats, Ousmane Sonko est allé régler un problème qui menaçait d’exploser sur le nouveau régime. Sous la casquette de chef de gouvernement, il est allé à la rencontre des marchands ambulants de Colobane. Ces derniers sont victimes de déguerpissement avant et après la Tabaski. Une situation qui les avait mis dans tous leurs etats. Pour désamorcer la situation, le Président Bassirou Diomaye Faye a envoyé son PM vers ses travailleurs du secteur informel. Une visite qui a permis aux nouvelles autorités d’atténuer la colère des jeunes.
Ayant le verbe facile, Ousmane Sonko a réussi à convaincre ses jeunes. « L’occupation anarchique est à déplorer, mais pas moins que le manque de mesures d’accompagnement. Il faut savoir que les gens doivent être accompagnés après les avoir déguerpis. Il faut plus de communication avec les acteurs, particulièrement les commerçants », a indiqué le Premier Ministre. Non sans les inviter à accepter les sites qui leur sont proposés: « Vous savez que tout le monde ne peut pas avoir une place à Sandaga ou un autre marché… il faut faire preuve de compréhension le temps que les solutions soient trouvées », a proposé le chef du gouvernement.
Si Ousmane Sonko s’est déplacé à Colobane, ce n’est pas de bonté de cœur. Le régime était au banc des accusés pour ces déguerpissement. Beaucoup de jeunes avaient affiché leur colère contre les nouvelles autorités. Artisans de la victoire de Diomaye et Sonko, il se sentait trahi par ses derniers. Un sentiment qui se conforte d’autant plus que l’un des premiers maires à procéder à ces déguerpissements est bien membre de Pastef. Ce n’est personne d’autre que Bilal Diatta. À Keur Massar, il avait enlevé de nombreux marchands ambulants des rues.
D’ailleurs il y avait même eu des heurts. Face à cette gronde populaire, Sonko a déchargé son gouvernement. Et pourtant le nouveau régime est bien derrière ces opérations. Dans une circulaire signée par le ministre de l’Intérieur Jean-Baptiste Tine datée du 7 mai 2024, il a été demandé aux autorités décentralisées « d’initier des actions de désencombrement de la voie publique occupée du fait de ces activités », de « mettre en place un cadre de suivi des actions de désencombrement entreprises » et de « veiller à la non-réoccupation des espaces libérés ».
Mais avec le discours qu’il a tenu, Sonko a réussi à retourner la situation en faveur du régime. Malheureusement, les riverains ne sont pas de l’avis du premier ministre. Ils espéraient que les nouvelles autorités allaient continuer leurs opérations pour leur permettre de récupérer leur bout de trottoir. Hélas, il n’en est pas le cas pour l’instant. Ils vont devoir attendre que le gouvernement tienne parole et recaser ces jeunes dans d’autres endroits. Comme quoi, leur calvaire est loin d’être fini.
Alors le nouveau régime doit faire attention aux beaux discours. Les sénégalais n’ont pas changé de régime pour qu’on leur sert des discours populistes. Les nouvelles autorités sont attendues sur des actions concrètes. Actions qu’elles n’ont toujours pas encore faites. À ce rythme, la colère des populations risque de leur coûter très cher aux prochaines élections. Mais la question à se poser, c’est d’où Sonko tient ses arguments pour convaincre les sénégalais ?
Aliou Niakaar Ngom pour Xibaaru