« Pastef ne doit pas ripoliner la citadelle délabrée des transfuges de l’Ancien régime » Sidy Braham Dieng

Les élections législatives, malgré le renouvellement générationnel et l’exacerbation de la violence diffuse, qui consacrent l’adoubement des partisans de Sonko, montrent que la démocratie sénégalaise se réinvente au profit d’une métamorphose de recomposition structurelle de la vie politique. De ce point de vue, le vote plébiscitaire des sénégalais en faveur de Pastef est davantage le révélateur d’un rejet systémique d’une oligarchie politique inféodée à une gouvernance calamiteuse que d’une adhésion organique à un Projet quelconque.

En dépit d’une campagne électorale marquée par la chienlit, le vote des sénégalais a rabougri la crispation , le populisme et le totalitarisme en gestation, quand bien même le taux d’abstention indique que notre démocratie , par intermittence , connaît les vicissitudes de la désaffection citoyenne. Quand les programmes politiques ,en démocratie, ne coïncident pas avec les préoccupations de la population, la vie politique se rétrécit d’elle-même et, par ricoche, promeut la parole politique dévoyée ainsi que le populisme prédateur de l’idée de démocratie comme réenchantement de la citoyenneté.

Dans tous les processus démocratiques, l abstention électorale est davantage perçue comme une forme de protestation citoyenne à la défectuosité de la gouvernance socioéconomique que comme un rejet du processus politique en vigueur. Dans ce cycle infernal où la démocratie mobilise moins, il est de bon aloi que les partis politiques, toutes obédiences confondues, procèdent au remembrement régénérateur du processus démocratique. De nos jours, la corruption systémique, l’instrumentation de la justice, le refus éhonté du clivage politique, s’avèrent symptomatiques d’une crise erratique du projet démocratique, en ce sens que la communauté citoyenne se désolidarise de plus en plus des processus électoraux.

Chemin faisant, la fonction tribunitienne, devenant la nouvelle frontière de la politique, s’échine à promouvoir le règne terrifiant de la démocrature abjecte, quand les institutions républicaines deviennent un épiphénomène du jeu démocratique. Lorsqu’un Pouvoir dispose de la majorité qualifiée, dans une chambre potentiellement introuvable, il est fort à craindre l’émergence d’un despotisme éclairé adossé au culte et à la pensée totalisante d’un messianisme débonnaire.

Dans un contexte du Pouvoir hégémonique version Pastef, l’opposition laminée par le jeu électoral, occupe désormais un magistère marginal et résiduel dans la représentation institutionnelle de l’Assemblée nationale. Bénéficiant du rejet systémique et systématique de l’oligarchie politique traditionnelle, le Pastef, pour sa pérennité en tant que force politique, ne doit pas ripoliner la citadelle délabrée des transfuges de l’Ancien régime. Par ailleurs, le Sénégal, plongé dans une crise protéiforme s’avère incapable de se restructurer en l’absence d’un climat politique apaisé et fécondant.

Quand un Pouvoir hégémonique , inspiré par un manichéisme victimaire et par la vision débridée de l’idée de République, il est quasi improbable de massifier et de remobiliser une démocratie au service d’une citoyenneté transpartisane. L’Assemblée nationale, dans sa configuration actuelle porte en elle les germes de la résurgence du Parti Etat, qui fragilise la vitalité des ‘institutions républicaines en faveur du progrès continu de la démocratie.

Ce n’est pas l’emprise de Pastef sur les institutions démocratiques qui menace le processus politique, c’est bien la propension des hommes politiques à démonétiser la sacralité de la séparation des pouvoirs. Sous ce rapport, l’engagement politique anachronique, qui s’émancipe du culte voué à l’État impersonnel et irréductible aux idéologies sectaires, plombent le processus de démocratisation.

De ce fait, la consolidation d’un Etat dédié à défendre ses principes, malmenés par l’idéologie rampante du totalitarisme, est un vecteur du renforcement de la démocratie libérale.

Sidy braham Dieng

Président mouvement sénégalais d’en bas.