La vérité sur la falsification des chiffres budgétaires (Par Dr Ousmane Alpha Aw)
La Vérité sur la Falsification des Chiffres Budgétaires
L’ancien président du Sénégal, Macky Sall, a récemment réagi aux allégations portées contre son administration par le gouvernement actuel. Accusé d’avoir falsifié les chiffres de la dette et du déficit budgétaire, il a choisi de se défendre dans un entretien accordé à Bloomberg, affirmant que les informations diffusées récemment par le Premier ministre Ousmane Sonko ne reflètent pas la réalité.
Et pourtant le portrait est troublant et les faits sont accablants !
Les accusations à l’encontre de Macky SALL et trois de ses ministres des finances portent sur des pratiques souvent qualifiées de « manipulation créative » de la comptabilité, voire de fraude dans certains cas extrêmes. Des techniques ont été mises en œuvre pour produire un tableau budgétaire plus favorable, camouflant ainsi la gravité de la situation économique. Pour manipuler les chiffres budgétaires de manière à réduire le déficit budgétaire apparent et afficher un niveau d’endettement faible, plusieurs techniques comptables et stratégiques peuvent être utilisées. Bien que ces méthodes puissent donner une apparence temporaire de gestion saine, elles sont illégales et comportent des risques considérables, tant pour la crédibilité du pays que pour les responsables impliqués.
Voici un aperçu détaillé des pratiques suspectes adoptées par les accusés entre 2019 et 2024 :
- Report de dépenses : Cette technique consiste à reporter certaines dépenses à un exercice ultérieur, ce qui diminue les charges comptabilisées dans l’exercice en cours. Ainsi, le déficit budgétaire apparent est réduit, mais il est déplacé vers l’année suivante. Cette pratique entraine chaque année une reconsidération des hypothèses budgétaires en faisant des ponctions (2 ou 3 fois durant l’exercice n) pour les repositionner dans l’exercice n+1 ;
- Accélération des recettes : Cela peut se traduire par l’anticipation du recouvrement de recettes, comme la vente d’actifs ou en affichant des recettes fictives, comme celles issues de l’exploitation pétrolière dans le cadre du projet offshore de Sangomar;
- Comptabilité créative : Cette méthode inclut la création d’entités parapubliques pour transférer des dettes hors du budget officiel. Par exemple, plusieurs agences ont été transformées en sociétés publiques pour masquer un endettement préoccupant. En effet, le Président Macky Sall et ses ministres des finances ont autorisés la création de nouvelles sociétés publiques sociétés publiques créées ne répondent à aucune justification économique solide, exacerbant davantage la situation financière du pays. Il s’agit par exemple de certaines agences comme l’Agence Presse Sénégalaise (APS), l’ex-Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE) devenue SOGEPA ou encore l’ex-Agence de l’Informatique de l’Etat (ADIE) devenue SENUM. On peut citer aussi PETROSEN, bien qu’héritée d’une période antérieure, cette entreprise a dû absorber d’énormes dettes de l’État en matière de production énergétique, masquant ainsi le véritable niveau d’endettement, ceci est valable aussi pour Cos-PETROGAZ. Sur cette comptabilité créative, il y a non seulement création d’entités publiques non viables mais aussi pléthorique et de manière précipitée. En effet, sur les 19 sociétés publiques existantes, les 9 ont été crées entre 2019 et 2024, et seules rares sont celles qui sont économiquement viables et justifiant un service public utile comme « les Autoroutes du Sénégal » ;
- Déplacement de la Dette Hors Budget: Il s’agit de transférer une partie des dettes à des entités parapubliques ou créer des véhicules hors bilan (Special Purpose Vehicles, SPV) pour isoler les dettes. A titre d’exemple, il s’agit de transférer les dettes d’infrastructures (routes, aéroports) dans des sociétés d’État ou des entités séparées pour ne pas les inclure dans le budget de l’Etat. On retrouve ces cas dans le Port Autonome de Dakar (PAD-SA), à l’AIBD ou encore à Air Sénégal. S’agissant des véhicules (SPV) on peut en retrouver dans le portefeuille de FONSIS.
- Non-enregistrement de Passifs : Il s’agit de ne pas comptabiliser certaines dettes, garanties, ou engagements financiers futurs. Là il s’agit des 650 milliards non enregistrer par l’ancien régime ; ceci constitue une fraude. Les « passifs hors bilan » peuvent inclure des prêts garantis par l’État ou des engagements liés à des fonds de pension publics, qui sont ignorés dans les comptes budgétaires.
- Transfert de Dépenses à d’Autres Entités : Dissimuler des dépenses en les transférant vers des organismes décentralisés (collectivités locales, agences indépendantes) ou en les classant comme dépenses privées. Le gouvernement de Macky SALL a en effet dissimulé beaucoup de programmes budgétivores dans le secteur parapublic en justifiant des appuis aux collectivités territoriales à l’exemple du programme « XËYU NDAW ÑI». En effet, ce programme est dilué dans beaucoup d’entités créant un fardeau budgétaire a ses structures, déviant pour la plupart de leur objectif primaire et favorisant la corruption et la concussion.
Les méthodes utilisées par l’ancien régime pour présenter la dette de manière favorable se sont révélées profondément nuisibles, tant sur le plan économique que politique. C’est pourquoi l’actuelle administration a adopté des mesures audacieuses pour restaurer la confiance dans la gestion budgétaire et mettre fin à des pratiques qui compromettent les bases même de la crédibilité nationale. Par conséquent, le gouvernement de SONKO a davantage à faire que de se justifier face à ceux qui nient leurs propres manquements.
Pour corriger ces manipulations et rétablir la transparence budgétaire, voici quelques étapes essentielles qui devront suivre l’audit de l’IGF qui a certainement identifier toutes les dettes hors budget national, les actifs surestimés et les transactions dissimulées :
- 1. Réintégration des Passifs Cachés : Reclasser tous les passifs cachés ou transférés hors bilan dans le budget principal et ajuster le niveau réel de la dette.
- Réévaluation des Actifs : Évaluer de manière rigoureuse les actifs publics (immobiliers, participations) selon des normes comptables reconnues.
- 3. Communication Transparente : Publier un rapport financier détaillé sur la situation réelle de la dette, expliquer les ajustements et rétablir la confiance des parties prenantes (créanciers, institutions financières).
- 4. Réformes Comptables et Cadre de Gouvernance : Adopter des réformes pour renforcer le cadre comptable public et limiter les marges de manœuvre pour manipuler les chiffres.
En somme, bien que ces techniques puissent temporairement alléger la perception de la dette, elles peuvent avoir de graves conséquences économiques et politiques à long terme si elles sont découvertes ou mal gérées.
Dr Alpha Ousmane AW
Délégué Adjoint National des Cadres Awalé